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Des bassins aux IRM

Interview de Pierre Goudenèche, doctorant au Centre de Résonance Magnétique des Systèmes Biologiques (CRMSB) et sportif de haut niveau.

Publiée le

Quelques jours avant les championnats de France de natation où il défendra les couleurs du Club des Girondins de Bordeaux sur le 50 m et le 100 m brasse, Pierre Goudenèche, doctorant en 2e année au laboratoire CRMSB présente son parcours atypique, entre recherche et entraînements intensifs de natation.

  • Bonjour Pierre, puisqu'il s'agit d'une interview pour le Département STS, nous allons commencer par la partie "science". Sur quoi travaillez-vous ?

Je suis actuellement en deuxième année de thèse sous la direction d’Hélène Roumes dans l’équipe d’Anne-Karine Bouzier-Sore dans le cadre d’une bourse Cifre financée par l’entreprise Fytexia. Le sujet de ma thèse porte sur la Neuroprotection apportée par une supplémentation en polyphénols via la modulation du métabolisme énergétique cérébral. Notre équipe cherche à prévenir l’apparition d’accidents vasculaires cérébraux chez les nouveau-nés grâce à des compléments alimentaires pour la mère ou une injection pour l’enfant.

  • Quel a été votre parcours pour arriver jusqu'au doctorat ?

J'ai découvert la recherche quand j'étais en classe de 3e, avec le programme "Apprentis chercheurs", porté à Bordeaux par le Dr Véronique Deroche-Gamonet, directrice de recherche au Neurocentre Magendie. Nous avions étudié l'addiction à la cocaïne. Après le bac, j'ai hésité entre études de médecine et un cursus en biologie. C'est la biologie qui l'a finalement emporté et j'ai ensuite effectué un Master en nutrition et sciences des aliments. Après un stage sous la direction d'Anne-Karine Bouzier-Sore en M1 puis avec Hélène Roumes en M2, j'ai enchainé avec le doctorat dans le même laboratoire.

  • Et la natation dans tout ça ? Comment vous organisez-vous pour mener en parallèle sport de haut niveau et doctorat ?

Je fais entre 12 et 13 entraînements par semaine : une première séance tôt le matin et la seconde en fin de journée. Et j'ai en principe un jour de repos par semaine … sauf quand il y a les compétitions.

Les journées sont chargées, mais j'ai la chance de travailler sur un sujet qui me permet d'adapter mes horaires de travail aux contraintes des entraînements et également d'être intégré à une équipe très solidaire et compréhensive, avec une directrice de thèse tolérante qui me soutient : nous nous répartissons les manips et s'il faut venir au labo le week-end pour les imageries par IRM, cela ne me pose pas de problème de le faire.

  • Quand on sait à quel point le doctorat et la compétition de haut niveau demandent de l'énergie, on se demande où vous trouvez une telle motivation pour faire les deux !

Pour ce qui concerne la natation, j'ai commencé sur le tard, à 17 ans, après avoir fait du basket pendant mon enfance. Au départ, ce sont mes grands-parents qui m'ont poussé vers cette discipline pendant les vacances d'été et aujourd'hui, le soutien de ma famille et de ma compagne est primordial. Mais aussi les collègues du labo, mes amis, et même l'entreprise avec laquelle je collabore grâce à la bourse CIFRE, ils sont tous de merveilleux supporters ! Et puis, pour tout vous dire, j'ai fait cette année le meilleur temps français sur le 50 m brasse, alors j'ai beaucoup d'espoir pour les compétitions à venir.

Et puis, mon projet de recherche est très stimulant. Imaginez-vous ces nourrissons victimes d'un accident hypoxique à la naissance pour lesquels il n'y a, à l'heure actuelle, pas de traitement efficace pour atténuer la souffrance du système nerveux ! Si un complément alimentaire pris pendant la grossesse pouvait agir en préventif, cela permettrait de sauver des vies. D'autant plus dans les pays en voie de développement où les systèmes de santé sont moins performants, faute de moyens financiers. Des recommandations alimentaires pourraient au moins limiter les conséquences de cette hypoxie accidentelle.

  • Vous vous impliquez également dans la vulgarisation scientifique.

Oui ! Nous sommes sensibilisés à la diffusion vers le grand public dans notre labo ! J'ai participé cette année à MT180. Et si vous visionnez ma prestation sur ce lien, vous verrez que la diapo qui est en fond derrière moi est un dessin fait par une stagiaire du labo, Lou Rodriguez, qui a créé une BD sur le thème de l'hypoxie et des polyphénols. Et je souhaite aussi apporter ma contribution à l'encadrement des stagiaires car la transmission des savoirs en direction des plus jeunes me plait beaucoup.

  • Et maintenant, quels projets pour l'avenir ?

J'espère soutenir ma thèse en trois ans, fin 2025 ou peut-être début 2026. Pour le moment, le déménagement des machines d'IRM dans le nouveau bâtiment IBIO nous fait perdre un peu de temps car il nous faut remettre au point les différents paramètres pour reproduire les premiers résultats prometteurs obtenus, mais je reste optimiste. Par la suite, j'hésite encore entre un post-doc dans la continuité de ma thèse ou une évolution vers l'entreprise, en particulier celle avec laquelle je suis en contrat, pour continuer d'explorer par l'imagerie in vivo, grâce aux appareils que nous possédons au CRMSB, les effets de compléments alimentaires sur la santé.

Et en natation, mon objectif est de me consacrer encore quelques années à la compétition de haut niveau. Pourquoi pas dans le cadre universitaire, si l'occasion se présente ?

Pierre, à quelques jours des championnats de France (16-21 juin 2024), merci beaucoup d'avoir trouvé du temps dans votre emploi du temps chargé pour partager votre enthousiasme. Sachez que vous avez de nouveaux supporters au sein du Département STS de l'université de Bordeaux.

Entre les bassins et les IRM, vous avez visiblement trouvé un équilibre qui vous rend heureux.

PS : Pierre a obtenu une très belle 3e place sur le podium du 50 m brasse.

Un grand BRAVO !!!

 

Actualité par Claudine Boiziau et Jean-Michel Blanc

Crédits photos : @pierre_goud, @yohan_estachy