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Des experts de l'IRM bas champ réunis à Bordeaux : vers la création d'un réseau de recherche international d'excellence

Low Field Neuro 2025 est la toute première conférence internationale sur l'utilisation de l'IRM bas et ultra-bas champs qui s'est tenue les 25 et 26 décembre 2025 à Bordeaux. Retour sur ces journées et les discussions scientifiques qui ont égrené les deux jours de conférence.

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Pour la première fois, des experts du monde entier se sont retrouvés à Bordeaux les 25 et 26 novembre derniers pour échanger sur l'IRM à bas et ultra-bas champs. Cette technologie innovante présente, entre autres, une réelle opportunité pour lutter contre les inégalités d'accès aux soins et améliorer la prévention, en particulier, des accidents vasculaires cérébraux.
 
L'organisation de cette conférence démontre l'excellence de l'imagerie bordelaise et son engagement pour l'innovation technologique en matière de santé.

Une première rencontre internationale à Bordeaux

Organisée par le Centre de Résonance Magnétique des Sytèmes Biologiques (CRMSB)et le tout nouvel IHU bordelais Vascular Brain Health Institute (VBHI), cette conférence est née de discussions initiées par Stéphanie Debette avec des chercheurs réunis lors de l'édition 2024 de l'école d'été Neurepiomics. S'étant tenues exceptionnellement au Chili cette année-là, ces rencontres annuelles ont en effet permis de mettre en évidence l'opportunité et la nécessité de créer un réseau international de recherche axé spécifiquement sur ce domaine dans le but d'impulser des collaborations internationales riches et prometteuses.

Rendez-vous a donc été donné à Bordeaux l'année suivante, au Pôle Juridique et Judiciaire de Pey Berland.

Les participants ont pu assister aux sessions scientifiques de haut vol rassemblant des chercheurs et ingénieurs des quatre coins du monde : Royaume-Uni, Paraguay, Canada, Pays-Bas, Allemagne, Chili, Etats-Unis, Belgique et bien entendu France (Marseille, Tours, Paris, Gif-sur-Yvette, Bordeaux). Les présentations de grande qualité ont permis non seulement d'attester l'intérêt de créer un réseau de recherche sur ces questions, mais également du caractère innovant des recherches menées sur l'IRM bas champ comme leur grande acuité sur les enjeux sociétaux, environnementaux et de santé publique.

Preuve encore de l'opportunité de cette première édition, les différents sponsors tant académiques qu'industriels qui ont apporté leur soutien à l'organisation de l'événement. 

L'IRM bas et utra-bas champs, c'est quoi ?

Une IRM à bas champ utilise un champ magnétique plus faible que les IRM classiques (environ 0,1 à 1 Tesla). Elle produit des images moins détaillées, mais elle présente plusieurs avantages : les appareils sont moins coûteux, plus légers et parfois mobiles.
 
Une IRM à ultra-bas champ fonctionne avec un champ encore plus faible (souvent en milliteslas). Les appareils sont très compacts, parfois portables ou utilisables directement au lit du patient. Ils sont économiques et accessibles, mais la qualité des images est nettement inférieure à celle des IRM traditionnelles.

L'iRM bas et ultra-bas champs, des équipements plus équitables, plus inclusifs et plus durables

L'imagerie à faible champ magnétique est une technologie qui fait écho à l'inscription des réflexions autour des transitions sociétales et environnementales au cœur des enjeux d'innovation.

Rendre l'IRM plus accessible 

  • Baisser le côut de l'imagerie par résonnance magnétique, un impératif d'égalité d'accès aux soins

 

Les recherches actuelles dans le domaine de l'imagerie s'attachent à améliorer la qualité des images obtenues par IRM via le développement et la commercialisation d'appareils plus puissants (2T, 3T). Si ces travaux ont un intérêt majeur dans la prévention et le traitement de maladie comme le cancer ou les infarctus, leur principal inconvénient est, subséquemment, d'accroître le prix d'une technologie déjà très coûteuse pour les structures de santé. 
 
On peut estimer le prix d'une IRM à la valeur du champ magnétique qu'elle utilise. Pour se donner une idée de combien coûte un appareil, on peut évaluer qu'un tesla (unité de mesure de l'intensité du champ magnétique) vaut à peu près 1 000 000 d'euros. Les appareils les plus puissants utilisés actuellement, les IRM 3 Tesla, coûtent ainsi aux environs de 3 000 000 d'euros quand les IRM 2T en valent deux et les 1T, un million.

Pour des structures médicales ayant peu de ressources, il paraît ainsi compliqué de pouvoir se doter d'une telle technologie.

Les pays les plus pourvus en IRM sont corrélativement les pays économiquement les plus favorisés situés plutôt au nord du globe. Le Japon, les Etats-Unis et l'Allemagne sont les nations qui possèdent le plus d'IRM rapportés à leur population. Sans surprise le continent africain est l'aire géographique la plus éloignée de cette technologie : 0,7 IRM/1 500 000 habitants soit aucun accès.

Cette donnée est d'autant plus alarmante que l'équipement en IRM dans le monde est inversement proportionnel au nombre de patients atteints de pathologies nécessitant une IRM. Avec ces 0,55 Tesla et ces 400 000 euros, l'IRM à faible champ magnétique et les recherches en ce domaine revêtent un véritable enjeu d'égalité d'accès au soin. 

  • L'open source au cœur de la réussite du développement des IRM bas et ultra-bas champs

 

Dans ce contexte de pénurie d'IRM au niveau mondial et d'éloignement des populations les plus précaires, et pourtant les plus éligibles, de cette technologie, des chercheurs ont décidé de se rassembler autour du projet "Open Source Imaging Initiative" (OSII). Celui-ci propose une nouvelle approche dite "de la communauté à la communauté" pour le développement de dispositifs IRM visant à les rendre accessibles au plus grand nombre.
 
Cette initiative se fonde sur une mise en commun des connaissances, des compétences et des expériences des experts membres du projet et met en libre accès une documentation. Des formations sont également mises en place pour permettre à des équipes de construire, d'exploiter, d'entretenir et même de réparer des appareils IRM à bas champs à moindre coût (aux environs de 30 000 euros en côut matériel) et en toute autonomie. L'enjeu ici est alors de parvenir à développer des appareils mobilisant des matériaux peu coûteux et dont la conception puisse être reproductible aisément.
 

Amener l'IRM jusqu'aux patients

Au delà de la dimension économique, les IRM à haut champ ont quelques inconvénients qui attentent à l'accompagnement médical de certains patients. Les personnes sujettes à la claustrophobie ou sensibles au bruit peuvent délaisser cette technologie qui peut paraître bruyante et oblige le patient à se retrouver pendant un temps long dans un espace confiné. Ces appareils ne sont pas accesibles aux personnes en situation d'obésité, ou encore, rendent compliqué la prise en charge d'enfants, ces derniers pouvant être apeurés à l'idée de se retourver dans ce type d'appareil.
 
Les IRM bas champ à l'inverse sont non seulement ouverts et plus larges mais également plus silencieux. Tout le monde peut rentrer dans ces dispositifs. Les parents peuvent rester à côté des enfants durant la séance. Elles sont en outre plus rapides et s'avère intéressantes pour rendre l’imagerie plus sûre pour les patients avec des implants métalliques.
 
Enfin, un avantage certain pour l'amélioration de l'accès au soin, est que ces appareils peuvent être mobiles de sorte que le développement de l'imagerie à faible champ magnétique pourrait révolutionner les politiques publiques de prévention des AVC notamment : les médecins pourront ainsi amener directement l'IRM aux patients, sur des marchés par exemple, pour se faire diagnostiquer. Ils permettent aussi de perfectionner et de sécuriser la prise en charge des personnes qui ne peuvent être déplacées puisque l'IRM peut-être amenée directement au patient alité. 

Une technologie en phase avec la transition écologique

Dernier avantage de l'IRM à bas et ultra-bas champs par rapport aux IRM classiques : son caractère écologique.

D’abord, elles consomment beaucoup moins d’énergie que les IRM à haut champ, car leurs aimants sont plus faibles et ne nécessitent pas de systèmes de refroidissement complexes. Elles utilisent également peu, voire pas du tout, d’hélium liquide, une ressource rare et non renouvelable dont l’extraction est coûteuse pour l’environnement. Leur conception plus simple et plus légère demande moins de matériaux et entraîne donc une empreinte carbone plus faible lors de la fabrication. Enfin, comme certaines de ces machines sont mobiles et prennent moins de place, elle peuvent être installées plus facilement dans des structures locales, ce qui réduit les déplacements des patients vers de grands centres hospitaliers. Tout cela contribue ainsi à en faire des technologies d’imagerie plus respectueuses de l’environnement.

Low signal, Low resolution : le défi de l'IRM à bas et ultra bas champs

Reste que l'un des plus gros défis pour le développement de ces appareils à faible champ magnétique est l'amélioration de la résolution de leurs images. Toutefois, cette difficulté peut ne pas être un obstacle à son utilisation d'un point de vue clinique. 

Des recherches visant l'amélioration de la qualité des image

 
Le désavantage majeur des IRM à champ faible est la moindre qualité des images obtenues. Moins le signal est fort, plus le "bruit" (variations aléatoires dans l’intensité des pixels de l'image) devient visible. Or ce flou aléatoire peut masquer des détails anatomiques ou pathologiques. L'un des terrains de recherche actuel est donc de trouver des moyens de réduire ce bruit sans augmenter le champ magnétique ni le temps d'acquisition des images qui font l'avantage de l'imagerie à champ faible. Une des piste est ainsi d'augmenter le contraste pour rendre plus précis le diagnostique. Ils poussent au-delà chercheurs et ingénieurs à trouver des solutions innovantes et à être créatifs.

Une moindre résolution : un problème vraiment ?

Cette question de la moindre résolution des images obtenues avec le bas champ reste sujette à débat. Est-ce vraiment un problème ? A quel point le grain d'image doit-il être net pour fournir un premier diagnostique et une première réponse thérapeutique ? Cette interrogation est d'autant plus importante dans un contexte où le bas champ vient aussi lutter contre la désertification médicale et peut venir améliorer la compréhension de certaines épidémies. 

 
Il permet ainsi d'envisager la naissance d'une véritable épidémiologie globale. La recherche en ce domaine souffre en effet de certains biais. Les cohortes qui servent de base aux travaux en épidémiologie sont peu représentatives car les patients qui les composent sont bien souvent plus riches, plus éduqués et plus âgés que la population touchée par les différentes épidémies étudiées. L'IRM bas champ augmente alors l'inclusivité et la représentativité des études. Sa facilité de déplacement, sa plus grande insensibilité aux variations de température comme sa relative stabilité en font donc un outil majeur pour les recherches en épidémiologie. 
 
Au delà, il faut envisager cette technologie non comme concurrente mais comme complémentaire aux IRM à haut champ magnétique. L’IRM bas champ libère ainsi les machines classiques pour des examens plus complexes, tout en offrant une alternative pour des situations moins critiques. Elle est particulièrement adaptée pour des examens rapides, le suivi régulier, la traumatologie ou encore l’imagerie musculosquelettique où le niveau de détail maximal n’est pas toujours nécessaire. Cela peut donc débarrasser les IRM classiques de certaines demandes. Cette complémentarité permet ainsi de mieux répartir les examens.
 

Des industriels aux côtés des chercheurs 

 

Les industriels se sont emparés aussi de cette question du bas champ au sein de leur service recherche et développement. Ils ont donc été logiquement invités à participer aux deux jours de conférence via des communications et/ou des stands. Les industriels travaillent souvent de concert avec les chercheurs à la fois pour intégrer les dernières avancées scientifiques à leurs appareils mais également pour créer des dispositifs qui soient compatibles avec les besoins des personnels de recherche. Différents slots dédiées aux innovations industrielles dans le domaine du bas champ sont venus rythmer le symposium. Des présentations de représentants de Siemens, General Electric, Philipps et Hyperfine ont été appréciées. Les participants ont également pu poursuivre les discussions à leurs stands voire même prendre part à des démonstrations sur les nouveaux appareils proposés par les industriels présents.

L'IRM bas champ à la conquête l'espace et de l'histoire 

L'IRM bas champ est en passe de conquérir également des territoires insoupçonnés.

Des équipes de recherche, notamment au Canada (université de Saskatchewan), travaillent depuis plusieurs années à concevoir un IRM très léger, peu énergivore et sans gradients magnétiques lourds, capables de fonctionner dans l’environnement spatial. Les prototypes envisagés pèsent seulement une trentaine de kilos (contre plusieurs tonnes pour une IRM hospitalière) et consomment très peu d’énergie, ce qui est crucial pour une installation à bord d’une station spatiale. La technologie est développée pour pouvoir être intégrée dans un rack standard de la Station Spatiale, avec des versions d’appareils d’abord destinées à des membres, comme la main ou la cheville, puis potentiellement évolutives pour des régions plus larges du corps.

Si nous revenons sur terre, voire sous terre, l'IRM bas champ est aussi mobilisée au sein de recherche en archéologie. L’imagerie à faible champ magnétique s'avère être une technique non destructive qui peut être utilisée pour analyser des échantillons archéologiques fragiles sans les endommager.

Cette utilisation par d'autres disciplines démontrent le potentiel de cette technologie et l'intérêt de créer des collaborations certes internationales mais également interdisciplinaires. 

Crédits photos : Olivia Caramelli, VBHI, novembre 2025

Texte par Clémence Faure et le GT communication du Département STS