Aurélien Bustin, titulaire d’une chaire de Professeur junior à l'unité IHU Liryc est lauréat 2023 d'un financement européen ERC Starting Grant. Il développe sa recherche dans le domaine de l’imagerie avec l’objectif de mettre au point une méthode innovante d’IRM améliorant la performance en matière de diagnostic mais également concernant le bien-être des patients. Pour développer sa recherche à l’interface de plusieurs disciplines et résolument translationnelle, Aurélien Bustin s’appuie sur l’utilisation des mathématiques et fédère des spécialistes d’expertises variées. Il a répondu à nos questions avec beaucoup de passion et d’enthousiasme, qu’il communique également régulièrement au grand public au cours d’actions de diffusion scientifique.
- Pourriez-vous dire quelques mots sur votre parcours et sur vos travaux de recherche ?
J’ai un parcours un peu particulier : il m’a amené non seulement à faire 10 années à l’étranger mais aussi à me former à différents domaines de compétences.
J’ai grandi à Orléans et j’aimais beaucoup les mathématiques. Après mon bac, je me suis donc inscrit en Licence. Pour mon master, j’ai cherché à quitter Orléans afin de me rapprocher des grands mathématiciens que j’admirais. J’ai alors eu la chance d’intégrer UCLA – l’université de Los Angeles. J’ai pu y faire un peu de recherche aux côtés de mes héros en mathématiques, comme Professeur Terence Tao et Professeur Stanley Osher, qui menaient des travaux plus particulièrement en mathématiques appliquées. Ils m’ont donné le goût de la discipline et en particulier du traitement d’images. Pendant cette année à Los Angeles, j’ai pu ainsi travailler sur des données médicales ce qui m’a énormément plu. Je suis tombé véritablement amoureux de ce domaine au sein duquel on est amené à appliquer les mathématiques pour changer la reconstruction des images et en améliorer la qualité.
Après l’obtention de mon master, j’ai pu poursuivre mes études en troisième cycle en Allemagne, à l’université technique de Munich (TUM). J’ai été recruté pour un doctorat dans le cadre d’un projet Marie Curie ITN, lequel m’a donné l’opportunité de rejoindre une collaboration entre trois entités : l’université de Munich, l’entreprise General Electric – où j’ai passé 50% de mon temps de recherche et où je me suis formé à l’imagerie médicale – et la John Hopkins University à Baltimore, une école de médecine qui m’a permis de m’initier à la cardiologie. J’ai adoré ce doctorat qui m’a en particulier offert la chance de croiser la route de la cardio ce qui m’a conduit à en apprendre davantage sur l’IRM. Au cours de mon parcours, j’avais déjà beaucoup travaillé sur les images et je voulais en savoir davantage sur la manière dont on les collectait et s’il y avait des améliorations à apporter. J’ai donc trouvé un post-doc de trois ans, post-doc que j’ai effectué à Londres, à King’s College London (KCL). Je me suis alors un peu éloigné de la radiologie pour m’intéresser plus en profondeur à la physique IRM.
Finalement, ces presque 10 années à l’étranger, m’ont permis de m’enrichir de nombreuses compétences différentes. Je me suis formé aux mathématiques appliquées pour la reconstruction d’images, en physique pour le développement de séquences IRM, en radiologie et en cardiologie à l’hôpital. Depuis un peu plus de trois ans, j’ai rejoint l’IHU Liryc au sein duquel j’applique toutes ces compétences pour construire l’IRM cardio-vasculaire de demain. Mon parcours a été un véritable atout pour l’obtention de la Chaire de professeur junior (CPJ). L’université voulait, en effet, vraiment rassembler des compétences et des profils variés pour aller plus vite dans l’innovation et la recherche.
- Que vous a apporté l’obtention de la chaire de professeur junior à l’université de Bordeaux ?
Cela m’a énormément apporté et à de multiples niveaux. Je ne pourrai pas tous les mentionner ici mais, en particulier, cela m’a offert une très grande visibilité. Vraiment la chaire, c’est impressionnant, je recommande : comme le poste de professeur junior est reconnu à l’international cela permet d’augmenter fortement la diffusion de ses travaux. La CPJ, c’est aussi un financement important, aux alentours de 200 000 €, ce qui m’a donné la possibilité de recruter un talentueux doctorant, Victor de Villedon de Naide qui nous est précieux au sein du programme. Cette chaire s’est donc avérée également être un moyen de donner du travail aux jeunes et cela au sein d’une équipe d’excellence, forte de compétences diverses, réunie pour faire avancer l’imagerie cardio-vasculaire.
La Chaire de professeur junior s’est avérée être un moyen de donner du travail aux jeunes et cela au sein d’une équipe d’excellence, forte de compétences diverses, réunie pour faire avancer l’imagerie cardio-vasculaire.
- Une des identités et forces du département STS est l'interdisciplinarité, est-ce que vous pourriez nous en donner quelques exemples dans votre quotidien de recherche ?
La thématique et le projet font appel à des disciplines variées : la physique pour l’IRM, les mathématiques pour le traitement de l’image et des données, l’informatique et l’intelligence artificielle également. Concernant la validation du projet, cela nécessite des radiologues, des cardiologues, des cliniciens et également des compétences en histologie. Une partie de ces compétences se trouvent dans le périmètre du département STS.
Concernant le projet de la chaire CPJ, on avait un sujet bien précis mais je ne voulais pas d’un doctorant qui connaisse déjà le sujet ne serait-ce qu’un petit peu. Je souhaitais recruter quelqu’un qui apporte véritablement un plus à l’équipe et qui soit spécialisé dans des domaines pour lesquels nous n’avions pas nécessairement d’expertise. J’ai recruté Victor, qui correspondait parfaitement à ce profil. C’est un champion de l’intelligence artificielle. Il a une connaissance très étendue dans ce domaine et c’est justement une compétence que nous n’avions pas dans le programme et qui nous manquait. Et lui, en retour, il apprend ! On lui partage ce que l’on connait et, en particulier, on le forme en mathématiques appliquées, au développement de séquences IRM, à la cardiologie, ce qui l’enrichit énormément. Cela constitue un exemple très parlant en ce qui concerne l’interdisciplinarité et son apport à la recherche. Grâce à la mise en commun d’expertises différentes, nous avons déjà effectué des avancées importantes dans le projet. Ces progrès sont à mettre au profit de la CPJ mais également au décloisonnement que nous avons choisi d’opérer via le programme. Cette ouverture disciplinaire a été vraiment déterminante dans l’avancée de nos travaux ce qui me pousse à poursuivre dans cette voie à l’avenir.
- Vous venez d’obtenir une bourse ERC Starting Grant pour le projet SMHEART, pourriez-vous nous le présenter et nous expliciter ses objectifs ?
Les maladies cardiaques concernent plus de 60 millions d’européens et sont le premier facteur de mortalité dans le monde. Parmi toutes les modalités d’imagerie, seule l’IRM fournit une évaluation complète, non invasive et sans danger pour le patient. L’IRM cardiaque est très complexe et très coûteuse, les délais d’attente sont importants, d’au moins 3 mois à Bordeaux et l’examen est long (45-60 min) et pénible pour le patient à qui on demande de très nombreuses apnées. L’examen nécessite un lourd travail de l’expert manipulateur radio. Une illustration parlante est le nombre de « clics » nécessaire pour l’examen. Il est d’environ 400 clics pour une IRM cardiaque alors qu’il est seulement de 30 pour une IRM du cerveau… Les images obtenues nécessitent un travail complexe de la part du radiologue qui contoure manuellement le cœur pour en extraire les paramètres diagnostiques importants. L’ERC starting grant est un projet « high risk, high gain ».
SMHEART veut construire une nouvelle IRM qui collecterait des images en 3D en un seul clic, en respiration libre pour le patient et sur un temps d’examen beaucoup plus court que l’actuel. L’intelligence artificielle permettrait d’extraire efficacement les données pour un diagnostic entièrement automatisé qui permettrait, à terme, un examen plus court et donc plus agréable pour le patient. Cela pourrait également avoir un impact sur les délais d’attente. Un but ultime de ce projet est évidemment d’améliorer le diagnostic. Ce projet SMHEART a reçu 1.5 million d’euros pour 5 ans et va permettre le recrutement de 10 personnes pour une étude globale sur un ensemble de 200 patients volontaires constituant des groupes de pathologies différentes.